POURQUOI LIRE Mousse ?
- Le livre : c’est un roman court, qui se lit très vite, alors qu’on aimerait faire durer le plaisir plus longtemps.
- Le décor : une maison de vacances dans l’Ammerland (Nord-Ouest de l’Allemagne) avec ses champs, ses jardins et ses forêts.
- Le genre : écrit comme un journal, les réflexions farfelues y côtoient les théories scientifiques et les souvenirs de jeunesse.
- Le style : il y a une poésie qui se dégage de l’emploi par le narrateur de termes scientifiques mêlés d’observations philosophiques.
L’HISTOIRE
Mousse se présente comme le manuscrit d’un botaniste célèbre (et fictif) Lukas Ohlburg. Son frère l’a retrouvé dans l’ancienne maison de vacances de leurs parents, dans l’Ammerland près d’Oldenburg en Allemagne. Écrit à l’encre verte, le manuscrit est la seule chose qu’Ohlburg a laissé à sa mort. Un dernier journal ? Une explication ? Les circonstances de sa mort sont en effet bien étranges : pourquoi le botaniste de 74 ans a-t-il été retrouvé avec de la mousse sur le visage, dans la maison humide et elle aussi gagnée par la mousse ?
L’intuition d’une révélation
Quand il arrive dans la vieille maison où il passa de nombreux étés pendant l’enfance, le célèbre botaniste a une idée en tête : écrire un dernier ouvrage, qu’il a déjà prévu d’intituler De la critique de la terminologie et de la nomenclature biologiques. Tout un programme. Mais celui-ci va très vite être chamboulé. Dans la maison, les souvenirs sont légion. Ils viennent perturber les réflexions du narrateur. Et alors qu’il était venu ici pour travailler dans le calme, il se rend vite compte que ce calme, cette quiétude est en train de le changer. Au lieu d’écrire, il passe son temps à regarder les arbres, le soleil, la mousse.
Dès les premières pages de ce qui ressemble à un journal (le journal d’une transformation), Lukas Ohlburg sent que quelque chose va se passer, ici, bientôt, dans cette maison isolée. Le calme, puis la mousse, vont le changer. Lui faire ouvrir les yeux. Le bousculer dans ses idées de botaniste renommé. Lui rappeler ce qui est vraiment important. C’est le récit de cette évolution intérieure qui est raconté dans ce roman.
« Je prends une grande inspiration, m’étends immobile dans l’eau, regarde en plissant les yeux en direction du soleil couchant, suspendu, comme empalé sur la pointe des pins, et je me demande s’il y a une différence entre s’enfoncer et s’élever, étendre ses racines et ses ailes, connaître et s’étonner, l’être et la conscience, je ne trouve pas de réponse parce que j’en cherche une, j’expire profondément, je recommence lentement à tracer mes couloirs. »
Mousse, Klaus Modick
Désapprendre pour s’éprendre
Tout se fait progressivement, doucement. C’est une évolution lente, mais profonde. Au cœur de l’hiver, il y a pourtant un tournant. Quand son frère vient lui rendre visite avec sa famille, il comprend qu’il n’y a plus de retour possible. Alors qu’il joue le jeu, qu’il endosse son rôle de botaniste renommé devant les siens, sa petite-nièce le démasque. De scientifique il devient conteur. Et il prend conscience du pouvoir des mots. Le pouvoir réducteur et « tristement évaluatif » des nomenclatures scientifiques. Le pouvoir enchanteur des histoires qu’on se raconte. Celles qui ont été inventées par les humains qui n’ont pas cherché à classer les espèces. Mais qui ont passé beaucoup de temps à les observer. Et qui ont appris directement d’elles ce qu’elles avaient à dire.
C’est que dans chaque plante de la forêt, et dans chaque espèce de mousse, il y a autre chose qu’un nom, qu’un mot. Autour du botaniste, le monde n’a pas changé, c’est lui qui a changé sa façon de regarder le monde.
« Quand je suis venu ici il y a neuf mois, le lac était un lac, la forêt une forêt et la mousse de la mousse, entourés de mots et de noms étrangers. Quand j’ai commencé à tomber amoureux de la mousse, quand j’ai remarqué que la mousse s’approchait elle aussi de moi et me voulait près d’elle, alors le lac n’était plus seulement un lac, la forêt bien plus qu’une forêt, et la mousse autre que de la mousse. La mort est un paysage riche et vert, à travers lequel souffle un vent humide. Tout au fond se trouve une maison au toit de chaume. »
MOUSSE, KLAUS MODICK
CE QUE J’EN AI PENSÉ
J’ai lu ce très court roman comme en apnée. Je voulais prendre des pauses, ne pas le finir trop vite, savourer chaque phrase. Mais dès que je le reposais pour faire autre chose, il m’appelait. Je l’ouvrais et je respirais à nouveau. C’est peut-être parce que je vis en ville et que cette dernière année j’en suis beaucoup moins sorti. Alors évidemment, un livre dans lequel un vieil homme se rapproche de la nature, observe des bouleaux à longueur de journées et invite la mousse dans sa vie, ça m’a parlé. Le livre a beau avoir été écrit en 1984, j’ai l’impression qu’il était fait pour moi, maintenant.
L’écriture de Klaus Modick m’a beaucoup plu, ému même, alors que tout reste très calme, sans lyrisme aucun. C’est sans doute dû à ce parfait mélange de réflexions nostalgiques, un peu farfelues de prime abord, et de détails scientifiques. Ça fonctionne parfaitement. Ce roman, c’est un régal.
OÙ TROUVER Mousse ?
Mousse a été publié par la maison d’édition Rue de l’échiquier. La traduction est de Marie Hermann. Vous trouverez le livre dans toutes les bonnes librairies.
QUE LIRE APRÈS ?
Que lire après un si beau livre ? Personnellement, j’ai attendu quelques jours, je n’ai rien lu pendant un moment. Je devais prendre un peu de recul, laisser le livre continuer sa vie dans ma tête, avant d’en ouvrir un autre. Une fois prêt·e à passer à autre chose, je te conseille ces lectures qui, bien que très différentes, m’ont fait le même effet et interrogent également notre rapport au monde :
- Indice des feux, Antoine Desjardins
- Dans la mansarde, Marlen Haushofer
- Manières d’être vivant, Baptiste Morizot
Mousse, Klaus Modick est un livre qui se passe en Allemagne.