Un bref instant de splendeur, Ocean Vuong

Un bref instant de splendeur est le premier roman de l'écrivain vietnamien américain Ocean Vuong. C'est un récit plein d'amour et déchirant sur la difficulté d'être un jeune homosexuel d'origine vietnamienne aux États-Unis, sur le poids du passé et de la guerre sur les familles migrantes. Le tout dans une écriture d'une beauté à couper le souffle. Un coup de cœur absolu.

POURQUOI LIRE Un bref instant de splendeur ?

  • Le livre : après un recueil de poésie remarqué, Un bref instant de splendeur est le premier roman de l’auteur vietnamien américain Ocean Vuong
  • Le décor : on voyage entre les souvenirs de son enfance dans le Connecticut et la mémoire familiale du Vietnam pendant la guerre
  • Le genre : le roman est construit comme une longue lettre à la mère du narrateur, qui ne la lira jamais parce qu’elle est analphabète
  • Le style : on retrouve dans ce roman toute la poésie, toute la force et toute la pureté de l’écriture d’Ocean Vuong déjà à l’œuvre dans Ciel de nuit blessé par balles

L’HISTOIRE

Un bref instant de splendeur se présente comme une longue lettre écrite par le narrateur à sa mère, à qui il s’adresse directement, en disant Maman. Celle-ci est vietnamienne, a fui la guerre et vit aux États-Unis. Elle ne sait pas lire. Elle ne pourra jamais lire la lettre que son fils — Ocean Vuong lui-même — lui écrit. Il revient sur son enfance, quand il s’appelait Little Dog et qu’il vivait avec sa mère et sa grand-mère à Hartford dans le Connecticut. Il s’ouvre et raconte les origines floues, le passé de la famille, la guerre, les souffrances, la drogue, les premiers amours, la perte, les secrets, les mensonges, les coups. C’est une lettre d’amour, magnifique et déchirante.

Comment dire l’amour

Ce livre m’a énormément touché, parce que je me suis identifié. Mon histoire est très différente de celle de l’auteur, mais je me suis retrouvé dans ses mots. Dans l’ambivalence de ses sentiments. Dans ses blessures. Dans son incapacité à dire à sa mère qu’il l’aime.

Il choisit d’écrire, sans doute parce que c’est plus facile. Que de dire les choses. Mais aussi parce que sa mère ne peut pas lire. Écrire cette longue lettre qu’elle ne lira jamais, c’est écrire pour quelqu’un mais surtout écrire pour personne. En faire un roman, c’est écrire pour tout le monde.

C’est se réapproprier ses souvenirs, son passé, et l’exorciser. C’est, de toutes ces morts, ces souffrances, ces blessures, faire des poèmes. C’est trouver la beauté là où elle est cachée. Trouver l’amour là où il s’est réfugié.

 « En vietnamien, on utilise le même mot pour dire que quelqu’un nous manque ou que vous vous souvenez de lui : nhớ. Parfois, quand tu me demandes au téléphone : Có nhớ mẹ không? je tressaille, croyant que tu as voulu dire : Tu te souviens de moi ?

Tu me manques davantage que je ne me souviens de toi. »

UN BREF INSTANT DE SPLENDEUR, OCEAN VUONG

Comment voir la beauté

La beauté qui sauve. La beauté qui nous aide à continuer. C’est trouver la beauté dans les autres garçons. Pour nous aider à trouver la beauté en nous-mêmes. Trouver la beauté dans les mots, ça peut devenir un but qui nous fait avancer.

« Je m’en souviens. Je me souviens de tout car comment pourrait-on oublier le moindre détail du jour où on s’est trouvé beau pour la première fois ? »

Un bref instant de splendeur, Ocean Vuong

Un bref instant de splendeur est un roman d’amour. Pour sa mère. Mais aussi pour Trevor. Le jeune Américain qui fut l’un de ses premiers amis avant d’être son premier amant. Leur histoire est belle. Ça commence tout doucement, par touches. Et puis ça devient de plus en plus présent. La tension monte. C’est déchirant. C’est triste.

Mais c’est aussi un roman de la guerre, un roman de l’immigration, un roman de la construction de soi, un roman de la perte de soi. Alors que sa grand-mère se perd dans ses souvenirs de la guerre du Vietnam, que sa mère vit entre deux mondes, blanche, parlant mal anglais, le narrateur doit devenir qui il est. Gay. Américain. Poète. Ce qui l’éloigne le plus de sa mère l’aidera-t-il à la retrouver ?

« Quand j’ai commencé à écrire, je m’en voulais de douter à ce point, des images, des propositions, des idées, et même du stylo ou du journal que j’utilisais. Tout ce que j’écris commençait par peut-être et sans doute et se terminait par je pense ou je crois. Mais mon doute est partout, Maman. Même quand je sais qu’une chose est vraie jusqu’au bout des ongles, je crains de voir le savoir se dissoudre, je crains qu’il ne perde sa réalité, bien que je l’aie écrit. »

Un bref instant de splendeur, Ocean Vuong

CE QUE J’EN AI PENSÉ

C’est une de mes lectures préférées de 2020 ! J’avais tellement hâte qu’il sorte en français pour vous en parler !

J’ai tremblé, j’ai pleuré, j’ai souri. J’ai lu et relu certains passages. Pour mieux en profiter. Six mois après ma lecture, j’en ai encore des frissons et les larmes aux yeux. C’est d’une beauté inouïe et d’une force incroyable.

Le matin de sa sortie en français, j’ai acheté le livre en version numérique. Je l’ai relu presque d’une traite. C’est toujours aussi beau, touchant, poignant.

OÙ TROUVER Un bref instant de splendeur ?

J’ai lu le premier roman d’Ocean Vuong en anglais (On Earth We’re Briefly Gorgeous). Mais il est sorti le 7 janvier 2021 chez Gallimard. La traduction française est de Marguerite Capelle – et elle est très bonne ! Vous pouvez dès à présent le commander dans toutes les bonnes librairies.

QUE LIRE APRÈS ?

Si vous aimez l’écriture d’Ocean Vuong, je vous recommande chaudement son recueil de poèmes : Night Sky with Exit Wounds. Une traduction française a été publiée chez Mémoire d’encrier sous le titre Ciel de nuit blessé par balles.

Et moi je vais continuer dans ma lancée et vous parler d’autres livres LGBTQI traduits qui sortent à la rentrée :

Un bref instant de splendeur, Ocean Vuong est un livre qui se passe aux États-Unis.

3 Commentaires

  1. Autist Reading 28 / 11 / 2020

    Ah, tu m’as fait une fausse joie : j’ai cru qu’il était enfin paru ici. J’attends ce jour depuis que j’ai lu ce roman pour pouvoir l’offrir autour de moi.
    Comme toi, c’est un de mes (rares) coups de cœur 2020.
    Pour autant, comme je suis assez peu réceptif à la poésie (quand elle est un genre à part entière), j’hésite toujours à me plonger dans son recueil de poèmes.

    • Autist Reading 28 / 11 / 2020

      Je suis en train de voir si j’ai de quoi participer à #monaventlittéraire2020 organisé par Nicole de Mots à Mots et Delphine-Olympe… et je m’aperçois qu’en fait On Earth We’re Briefly Gorgeous a été un des mes coups de cœur 2019!!! C’est dire combien son souvenir est encore vivace dans mon esprit.

      • Florian 28 / 11 / 2020 — Le Dévorateur

        Ah tu es au taquet ! J’avais à peine publier l’article que tu commentais déjà !
        Oui, je l’ai lu moi-même assez longtemps après sa sortie en anglais. Mais c’est le genre de livres je pense qui reste à l’esprit très longtemps après lecture. C’est vraiment un livre incroyable. Pour la poésie, je comprends tes réticences, ayant moi-même du mal avec ce genre. Pourtant, Ocean Vuong fait partie des rares exceptions chez moi.

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