POURQUOI LIRE Les Tentacules ?
- Le livre : c’est le premier roman traduit en français de l’autrice Rita Indiana, écrivaine caribéenne contemporaine en vogue
- Le décor : Saint-Domingue plus ou moins aujourd’hui, Saint-Domingue dans le futur et Saint-Domingue au temps des flibustiers
- Le genre : c’est de la sf barrée, avec des pirates et des anémones magiques qui obéissent aux dieux Yoruba du vaudou dominicain
- Le style : c’est punk, c’est drôle, ça part dans tous les sens, ça parle autant de sexe que de peinture dans une langue jeune et vivante
L’HISTOIRE
Je ne veux pas en dire trop, parce que les événements s’enchaînent à une telle vitesse dans le livre qu’il vaut mieux je pense en savoir le moins possible sur l’histoire. Les tentacules commence en 2027, avec Acilde, ancienne ado prostituée, qui travaille comme domestique chez la grande prêtresse de la Santeria, Esther Escudero. Elle veut gagner assez d’argent pour pouvoir s’acheter le Rainbow Bright, une drogue dangereuse qui lui permettra de changer de sexe. En parallèle, on suit Argenis, un jeune peintre raté, spécialiste de Goya, qui en 2000 vit une expérience étrange dans une résidence d’artistes sur la côte de Playa Bo. Comment ces deux histoires sont-elles liées ? Je vous laisse le découvrir.
Un roman inclassable
Ce sont les premiers mots de la quatrième de couverture, et c’est une bonne idée de commencer par là. Qu’est-ce que Les tentacules ?
De la science-fiction ? Soit, mais de la sf pas futuriste, ou pas vraiment. Où certes, il y a des gadgets, où la technologie évolue tranquillement, mais ce qui a le plus progressé, c’est la médecine. Avec l’invention du Rainbow Bright, Rita Indiana donne à lire de la sf sans robots, mais avec des corps transformés, mutés. Des corps augmentés – et il faut bien ça pour pouvoir supporter les voyages dans le temps.
Un roman historique ? Parce que dans Les Tentacules, on voyage dans plusieurs époques. On retrouve même certains codes des récits d’aventure, avec des flibustiers qui cachent des trésors près d’un cocotier sur leur île.
Ou fantastique ? Car l’aventure pirate est rendue possible grâce aux pouvoirs magiques de plantes marines sacrées, qui permettent à certains personnages de voyager dans le temps, et à d’autres de vivre plusieurs temporalités en même temps.
Les Tentacules, c’est donc de la littérature de l’imaginaire complètement folle. Et mystique. Ce qui fait la force de ce récit, ce qui tient l’histoire ensemble, c’est la forte présence de la spiritualité vaudou caribéenne. En mêlant sf et divinités africaines antillaises, Rita Indiana a inventé un nouveau genre.
« Dans les Caraïbes, nous vivons dans les zones obscures du cerveau planétaire, comme sous l’emprise du LSD. »
Les Tentacules, Rita Indiana
Une dystopie drôle et politique
Les Tentacules, c’est aussi une dystopie. C’est une surprise pour personne : en 2027, le monde va mal. En République Dominicaine, des catastrophes écologiques ont détruit le littoral, pollué les récifs et tué une bonne partie de la faune marine. Est-ce qu’Acilde, Argenis et Giorgio parviendront à arrêter le président Bona avant qu’il ne soit trop tard ?
Dans cette dystopie drôle et politique, de nombreux sujets sont abordés :
L’écologie donc, avec ce monde qui disparaît, avec les personnes qui essaient de le protéger, Giorgio et surtout sa femme Linda, qui dédie sa vie aux récifs de coraux de Playa Bo.
J’en ai déjà un peu parlé : le genre et l’identité sexuelle, à travers les personnages d’Acilde et d’Argenis qui changent d’identité et vivent plusieurs histoires. Mais également avec d’autres personnages secondaires : des ados prostitués aux aventures homosexuelles du flibustier Roque avec un homophobe.
Et la violence des inégalités sociales, et ce dès les premières lignes avec l’assassinat banal d’un sans-papier malade à l’interphone de la prêtresse Esther Escudero. Avec la détresse des enfants des rues, dont profitent certains membres de la Santeria. Un séjour en prison où certains sont traités comme des princes. Et la vie de château de la résidence d’artiste sur Playa Bo.
« Quand on le remonta à la maison, il avait l’air d’un poisson porc-épic, la tuméfaction allergique causée par le contact avec l’anémone était telle qu’on ne discernait plus ni ses yeux, ni ses dents. Heureusement, Linda, qui possédait un auto-injecteur d’adrénaline, lui fit une piqûre. Elle savait que l’anémone Condylactis gigantia, abondante à Playa Bo, n’avait pas assez de venin pour être fatale à l’être humain, sauf en cas d’allergie grave. Il demanda à Elizabeth de prendre son appareil photo numérique pour immortaliser cette curieuse monstruosité avant que son visage ne soit, quelques heures plus tard, revenu à la normale. »
LES TENTACULES, RITA INDIANA
CE QUE J’EN AI PENSÉ
J’ai été très agréablement surpris par ce roman ! Je ne m’attendais pas à grand chose – à vrai dire la quatrième de couverture me faisait un peu peur : je me disais que ça allait être trop fouillis pour moi, trop barré. Mais en fait, j’ai pris énormément de plaisir à la lecture ! Ça part dans tous les sens, soit, mais c’est drôle, c’est politique, c’est différent. Ça fait du bien. On referme le livre en se disant qu’on a envie d’en lire d’autres, des romans comme ça.
OÙ TROUVER Les tentacules ?
Les Tentacules est sorti chez Rue de l’échiquier le 3 septembre 2020. La traduction française est de François-Michel Durazzo. Voyez donc s’il est dans votre librairie préférée.
QUE LIRE APRÈS ?
En attendant la traduction des autres livres de Rita Indiana, je vous conseille d’autres livres de la rentrée littéraire 2020 qui jouent avec l’imaginaire :
- De parcourir le monde et d’y rôder, Grégory Le Floch
- Les abysses, Rivers Solomon
- Agrapha, luvan
Les tentacules, Rita Indiana est un livre qui se passe en République Dominicaine.
