Fille, femme, autre de Bernardine Evaristo

Fille, femme, autre (Girl, Woman, Other) est le dernier roman de l'autrice britannique Bernardine Evaristo, récompensée pour ce livre du Booker Prize 2019, ex aequo avec Les Testaments de Margaret Atwood. Fille, femme, autre un roman choral, c'est à dire que dans chaque chapitre un personnage différent narre son histoire. Des filles, des femmes, une personne non-binaire, le plus souvent racisées, et dont on entend encore trop rarement les histoires. C'est le moment de les lire.

POURQUOI LIRE Fille, femme, autre ?

  • Le livre : le dernier livre de l’autrice britannique Bernardine Evaristo a été récompensé du prestigieux Booker Prize 2019
  • Le décor : la Grande-Bretagne aujourd’hui, et de nombreuses digressions dans le passé des personnages et du pays
  • Le genre : c’est un roman choral, où chaque chapitre donne voix à une fille, une femme, une personne non-binaire, le plus souvent racisée
  • Le style : en chamboulant complètement la syntaxe, l’autrice a écrit un livre entre le roman et la poésie, où les phrases s’étirent et les mots claquent

L’HISTOIRE

Il n’y a pas une histoire dans Fille, femme, autre, mais douze. Comme le nombre de personnages principaux (il y en a d’autres). Chaque chapitre porte le nom de la personne sur laquelle il est centré. Des filles, des femmes et une personne non-binaire qui racontent leur histoire. Tous ces personnages ou presque sont racisés. Au fil de la lecture, on se rend compte que des liens sont tissés entre eux. Mais ce n’est qu’à la fin qu’on en comprend tous les enjeux. Mais ne vous y trompez pas : le plus important dans Fille, femme, autre, ce n’est pas la raison pour laquelle toutes ces personnes sont liées, mais chaque histoire personnelle, chaque vécu, chaque témoignage.

Un roman différent

Fille, femme, autre n’est pas un roman comme les autres. Tout d’abord parce qu’il est constitué de douze chapitres centrés sur un personnage. Dans ce roman choral, on ne comprend qu’au fur et à mesure de la lecture comment chaque personne est liée aux autres. Et ce n’est qu’à la fin que tous les personnages vont se retrouver.

Mais le roman est différent également de par son style. La syntaxe et la mise en page ne sont pas celles des romans classiques. Chaque chapitre compte 4 à 10 sous-parties, constituées d’une seule phrase chacune. Des retours à la ligne fréquents coupent ces longues phrases pour aider la lecture, mais surtout pour insuffler un rythme particulier au roman.

D’aucun·es trouveront peut-être Fille, femme, autre difficile à lire. Je trouve pour ma part que c’est ce qui fait toute la force de cette écriture. Le rythme de la lecture nous est imposé par cette découpe du texte, un peu comme dans un poème, dans une longue chanson, une litanie, qui nous entraîne et qu’on ne peut interrompre.

J’ai lu Fille, femme, autre en anglais, mais voici un extrait qui montre bien comment Bernardine Evaristo joue avec la langue et la syntaxe pour mieux nous faire ressentir les émotions :

« how had her clothes come off?

then

her

body

wasn’t

her

own

no

more »

Fille, femme, Autre, Bernardine Evaristo

Des personnages qu’on lit trop peu

Fille, femme, autre est centré sur ses personnages. Le roman n’est rien sans elles et eux. Mais surtout elles. Onze filles et femmes, une personne non-binaire. Presque toutes sont noires. Des personnages que même aujourd’hui, on lit trop peu. En lisant le roman de Bernardine Evaristo, je me suis rendu compte que dans la plupart des romans que je lis, même quand il y a des personnages racisés, ils sont souvent relégués au second plan. Dans Fille, femme, autre, ces femmes noires ont toute latitude pour raconter leur histoire.

Et quelles histoires ! Des récits d’immigration, des récits du racisme quotidien, du sexisme ordinaire. Des agressions, des viols, des récits difficiles à lire parfois. Mais aussi du soutien et de l’amour, tellement d’amour. Entre des mères et leurs filles, des filles et leur père, des femmes et leur époux, des femmes entre elles, des copines. Certains chapitres sont violents, d’autres sont très doux. Certains chapitres sont douloureux, d’autres joyeux et lumineux. Certains dialogues font réfléchir, certaines réflexions font rire. Et c’est ce qui fait toute la force de ce roman : nous faire écouter ces femmes et cette personne non-binaire, sans qu’on puisse les interrompre.

« we courted over the forthcoming winter months when I was adjusting to the weather and the culture

I was grateful to have him to support and steer me, even though he wasn’t particularly good-looking or with a dashing personality, both attributes I’d imagined for a husband before I was mature enough to accept that it was easier to dream

than it was to make the dream come true »

FILLE, FEMME, AUTRE, BERNARDINE EVARISTO

Mon avis

Je dois bien l’avouer, j’ai ressenti une légère déception quand j’ai compris que le roman suivait 12 personnes a priori sans lien entre elles. J’aime les romans, les histoires. Et justement. Très rapidement, cette déception a fait place à un intérêt grandissant pour la vie de chaque personnage. Puis à une véritable frénésie de lecture, emporté que j’étais par le rythme du texte, l’intelligence de l’écriture, la prouesse de Bernardine Evaristo. Parce que ce livre est puissant, bien plus puissant en laissant s’exprimer Dominique, Carole, Morgan et toutes les autres qu’en bricolant un roman dans lequel les histoires personnelles auraient été diluées. C’est un livre magistral, qui fait autant sourire que pleurer, et qu’on a du mal à lâcher.

OÙ TROUVER Fille, femme, autre ?

Fille, femme, autre de Bernardine Evaristo est sorti en français le 2 septembre 2020 aux éditions Globe. La traduction française est de Françoise Adelstain. Vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies.

QUE LIRE APRÈS ?

Je me dis que je devrais lire maintenant d’autres livres de Bernardine Evaristo. Je commencerai peut-être par le roman Mr. Loverman.

Et de lire toujours plus de livres écrits par des auteurs et autrices de couleur.

Parce qu’il est réédité cette année chez Au diable Vauvert, je me dis que c’est l’occasion de lire enfin La parabole du Semeur d’Octavia E. Butler.

Et j’ai d’ores et déjà acheté deux livres britanniques qui ne sont pas encore sortis en français :

  • Rainbow Milk, Paul Mendez
  • Lote, Shola von Reinhold

Fille, femme, autre de Bernardine Evaristo est un livre qui se passe en Grande-Bretagne.

2 Commentaires

  1. Autist Reading 31 / 08 / 2020

    J’ai glissé ce livre dans ma liseuse sans trop en savoir sur sa structure narrative et ce que tu en dévoiles m’intrigue.

    • Florian 31 / 08 / 2020 — Le Dévorateur

      Je ne savais pas à quoi m’attendre en l’achetant non plus. J’avais décidé de faire confiance à tout le monde, ce livre semblait avoir fait l’unanimité. Et je suis tellement content, parce que la première surprise passée, j’ai adoré !

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