Querelle, Kevin Lambert

Querelle est le deuxième roman de l'écrivain québécois Kevin Lambert. Dans un livre qui mêle politique, sexualité et vengeance sociale, le jeune auteur en profite aussi pour jouer avec la langue et les codes de la littérature (de la tragédie grecque à Jean Genet). Un livre jouissif et libérateur, surprenant et choquant, qui ne vous laissera pas indifférent. Et qui donne envie de garder un œil sur un auteur prometteur.

POURQUOI LIRE Querelle ?

  • Le livre : le titre québécois du roman est Querelle de Roberval. Dans l’édition française chez Le Nouvel Attila, son titre est Querelle.
  • Le décor : Roberval sur les rives du lac Saint Jean au Québec. Une grève ouvrière dans une scierie.
  • Le genre : c’est un roman très surprenant, où se mélangent politique, sexe, crimes et vengeances. Un livre novateur.
  • Le style : l’écriture de Kevin Lambert m’a rappelé en même temps Jean Genet et Virginie Despentes, le tout en québécois !
  • Le plus : Querelle est l’un de mes romans préférés de 2019 !

L’HISTOIRE

C’est l’histoire d’une grève syndicale dans une scierie à Roberval, près du lac Saint-Jean au Québec. C’est l’histoire des grévistes, dont le beau et viril Querelle et Jézabel, parmi les plus investi·es dans la lutte.

Querelle de Kevin Lambert, c’est l’histoire de cette lutte, avec son lot de trahisons, de mésinformations, d’espoirs et de résignations. C’est l’histoire de ceux qui sont également contre la grève : le patron Brian Ferland, les trois adolescents incendiaires et les travailleurs forestiers.

Une tragédie politique

Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un livre qui traite aussi bien de politique. Et avec son livre Querelle, Kevin Lambert réussit haut la main à nous plonger dans cette lutte ! Parce que la politique est le décor de l’histoire et le ressort de tous les événements. Mais la grève syndicale qui se durcit est aussi une excuse pour ramener le politique dans le privé. Dans la vie des personnages.

On vit dans un monde où beaucoup de gens ne se sentent pas écoutés. Où on se sent trahis par ce qu’on peut lire dans les journaux, à la télé. C’est ce monde que retranscrit Kevin Lambert dans cette fiction syndicale. Où ces ouvriers et ces ouvrières tentent de lutter, mais n’ont pas les moyens de combattre à la loyale.

La contre-attaque des patrons montre bien que c’est bien toujours ceux qui ont le pouvoir qui restent impunis. Comment Querelle, Jézabel et les autres peuvent-ils continuer à se battre ? Quelle forme nouvelle donner à la lutte ? La victoire est-elle possible ?

« Il faut maintenant dire le vrai. Faire le récit des aléas d’une lutte syndicale a pu donner à madame la lectrice ou à monsieur le lecteur l’impression d’un parti pris du texte en raison d’une empathie trop grande envers la paresse et les grévistes. Or la position défendue par ce livre se veut claire : l’entrepreneuriat est le génie de notre époque. Je – Kevin Lambert, auteur de cette bien modeste fantaisie – prends ici même, en page 179, position sans ambiguïté pour le patronat et contre la bassesse des grévistes, que je me suis efforcé de décrire le plus fidèlement possible dans les pages précédentes et dans celles qui suivent. »

Querelle, Kevin Lambert

La langue pour renverser l’ordre établi

Alors oui le style de Querelle m’a rappelé Jean Genet. Mais aussi Virginie Despentes (Jézabel semble d’ailleurs tout droit sortie d’Apocalypse Bébé). C’est fleuri, c’est très cru parfois, c’est violent et ça va dans tous les sens. Et c’est ça qui fait toute la force du roman Querelle De Roberval !

La langue chez Kevin Lambert appuie le propos. C’est elle qui transforme la grève syndicale en révolution sous forme de revanche sociale : contre l’ordre politique, économique, médiatique, hétérosexuel, patriarcal…

La langue prend ses libertés : dialecte, vulgarité, fausse structure classique des tragédies antiques, narrateur qui ment au lecteur, dialogues insérés dans la prose, phrases coupées, subordonnées mises à la suite des autres, pronoms non-genrés, féminisation entière de certains passages…

Ce flot dévastateur nous embarque dans une histoire anarchique, au rythme qui va crescendo, on ne peut plus s’arrêter et on sait que ça ne peut se terminer que dans la surenchère.

« Le mot tombe, vole, jusqu’au plexus solaire de Querelle, s’y enfonce par à-coups, par des secousses de marteau-piqueur jusqu’à ce que sa carapace fende, éclate, jusqu’à ce que la chair soit atteinte, rouverte. Il se recouvre d’un voile noir, monte la batte à hauteur de ses yeux ombrés de traits noirs. Ses longs cils, ses lèvres douces et ses narines tressaillant au rythme de sa respiration lui dessinent un visage imparable. Querelle abandonne le mac qu’on connaît et redevient le premier Querelle, le fif, la tapette, la diva de dix-sept ans, celui qu’il s’est efforcé de conjurer sous la direction de quelques sorciers bénissant ses charmes virils, l’empreignant de maléfices stoïques et mâles. »

Querelle, Kevin Lambert

CE QUE J’EN AI PENSÉ

J’ai adoré ce roman. Et je suis passé par tellement d’émotions : j’ai ri, j’ai eu peur, j’ai été en colère, j’ai été triste. C’est incroyable de faire passer tant de choses dans un roman si court !

C’est surprenant, un peu choquant parfois, mais surtout tellement novateur. Un roman comme j’aimerai en voir plus souvent. Où on se moque des règles d’écriture et de narration. Où on accepte volontiers de se laisser embarquer dans une histoire folle. Qui tient debout seulement par une force contenue dans le style et la tension des chapitres. Parce que les lecteurs et lectrices continuent de lire. Parce que ça fait du bien. Ça fait un bien fou même. Querelle est un livre qui donne un sentiment libérateur à qui le lit.

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OÙ TROUVER Querelle DE Kevin Lambert ?

Querelle de Kevin Lambert a été publié dans son édition française chez Le Nouvel Attila. Il vient d’être réimprimé, vous n’aurez donc aucun mal à le trouver dans une bonne librairie près de chez vous. Au Québec, le livre a été publié sous le titre Querelle de Roberval, chez Héliotrope.

QUE LIRE APRÈS ?

J’ai maintenant très envie de découvrir le premier roman de Kevin Lambert : Tu aimeras ce que tu as tué.

Et ce serait aussi l’occasion de lire d’autres livres d’auteur·es du Québec qui m’intéressent depuis un moment :

  • La grosse femme d’à côté est enceinte, Michel Tremblay
  • Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarbug
  • Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
  • Le plongeur, Stéphane Larue
  • 1984, Eric Plamondon

Querelle, Kevin Lambert est un livre qui se passe au Canada, au Québec.

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