L’homme des haies, Jean-loup Trassard

L’homme des haies est un livre de Jean-Loup Trassard, publié en 2012 chez Gallimard. Il s’agit du long monologue d’un paysan âgé, Vincent Loiseau, qui raconte dans sa langue, à travers ses souvenirs, les traditions et les pratiques agricoles du Bocage mayennais. Il raconte un monde qui, il le voit bien, est en train de disparaître autour de lui.

POURQUOI LIRE L’homme des haies ?

  • Le livre : s’inscrit dans l’œuvre de cet « écrivain de l’agriculture » et décrit des pratiques agricoles en voie de disparition dans l’Ouest.
  • Le décor : la Mayenne et le monde rural français, ses traditions, ses pratiques agricoles et sa langue.
  • Le genre : le récit se compose d’un très long monologue rassemblant les souvenirs d’un certain Vincent Loiseau.
  • Le style : est très oral dans L’homme des haies, puisque Vincent Loiseau s’adresse directement au lecteur. Il utilise de nombreux mots et expressions mayennais.

L’HISTOIRE

Il n’y a pas d’histoire dans L’homme des haies, si ce n’est l’histoire des traditions agricoles dans le Bocage mayennais. Vincent Loiseau raconte ses souvenirs, sans trame apparente, au gré de sa mémoire. Mais ceux-ci sont très précis et vivants.

Le narrateur est vieux et c’est son fils qui a repris la petite exploitation agricole. Il vit chez celui-ci et se contente désormais de petites tâches, en fonction de ce qu’il peut encore faire et ce que son fils le laisse faire. Son occupation favorite : l’entretien des haies. Les haies sont un élément incontournable du Bocage.

En racontant ses souvenirs, celui-ci revient sur l’histoire inconnue parce que non écrite d’une agriculture traditionnelle plus en phase avec la nature. Il s’inquiète parfois des changements qu’il voit s’opérer autour de lui (les oiseaux où les lièvres qui disparaissent, les commerces de proximité qui ont fermé). Il raconte son histoire, parce qu’il est sans doute l’un des derniers à pouvoir raconter le quotidien d’une petite ferme dans l’Ouest avant l’industrialisation de l’agriculture.

Traditions et temps qui changent

L’homme des haies est le livre témoignage d’un monde qui n’est déjà plus. Quand Vincent Loiseau parle, il parle surtout du monde d’avant, de comment les choses étaient faites autrefois. Il se souvient.

Il se demande : Quand les machines ont-elles remplacé les juments et les hommes ? Où sont passer les cordonniers ? Quand les lavoirs ont-ils disparus ? Et on prend alors la pleine conscience de la vitesse folle avec laquelle le monde rural français a changé depuis la 2nde guerre mondiale. Les changements ne se sont pas tous faits en douceur.

Évidemment, dans le livre Vincent Loiseau est bien conscient que beaucoup de ces changements ont amélioré le quotidien des paysans : éleveurs ou agriculteurs. Beaucoup de gestes sont aujourd’hui plus faciles, moins fatigants. Mais pour autant : les agriculteurs français vivent-ils mieux qu’avant ? Ce locuteur, et il semblerait l’auteur, en doutent.

« Nous, on faisait comme les anciens, semblait que c’était bon puisque ça marchait. Pour gagner de l’argent, non, mais tout le monde vivait par là, c’est vrai. Et puis tout d’un coup les jeunes se sont mis à vouloir faire le contraire. C’est-il mieux ? On verra. Eux le verront, moi je ne serai plus là. Faut que l’argent rentre, pari, tout ce qu’on achète a renchéri, n’importe quoi, le fil barbelé, la graine de trèfle, les engrais… »

L’homme des haies, Jean-Loup Trassard

Langue et culture populaires

Alors, en donnant la parole à Vincent Loiseau, Jean-Loup Trassard fait revivre les traditions agricoles de l’Ouest. À grand renfort d’anecdotes, on nous explique comment se fait le cidre, comme entretenir les haies, quand il faut semer quoi, et quand chaque plante se récolte, comment faire un greffon, comment on assistait les vaches pendant le velâge et comment on menait les juments à l’étalon. Quel était le travail des hommes et celui des femmes dans les fermes ? Et moi qui ai grandi dans cet Ouest paysan, qui connaît certaines pratiques, j’ai pris énormément de plaisir à apprendre plein de nouvelles choses.

On sent dans le discours du narrateur cette peur que ces pratiques, ces traditions, cette culture paysanne disparaissent quand les machines auront tout remplacer. Voire que plus personne ne fera ce travail.

« Moi, c’est à force de regarder le grand-père faire des paniers à couennes et des ruchots en paille que je m’y suis mis. Pour le gamin, plus tard, il ne sera jamais question de faire faire des paniers pour serrer les pommes et les patates ! Sera-t-il seulement paysan, hein, pas sûr ! »

L’homme des haies, Jean-Loup Trassard

Mais surtout Jean-Loup Trassard laisse dans L’homme des haies Vincent Loiseau s’exprimer dans sa langue. Une langue orale, la langue des contes, la langue paysanne. On trouve de nombreux mots de « patois » comme l’appelle le locuteur, c’est à dire de mayennais. Un glossaire est ajouté en fin de livre pour faciliter la lecture à des personnes qui ne seraient pas familières avec les mots et expressions de mayennais ou de gallo.

« On cause du pissenlit, du laiteron, de la traînasse, des poules-grasses, des parelles, des chardons, mais tout le reste, après, c’est du bourrier. Et encore, traînasse, poule-grasse, pas plus que parelle, ne sont point les vrais noms. J’en ai appris plusieurs, mais il m’arrive aussi d’oublier, alors je regarde bien la feuille, la fleur si c’est fleuri, et puis dans un moment tranquille je vais chercher dans mon livre. La petite, là, Clémentine, elle me dit : « Tu apprends tes leçons, grand-père… » Je ne suis pas devenu savant pour autant ! »

L’homme des haies, Jean-loup Trassard

CE QUE J’EN AI PENSÉ

Je ne m’y attendais pas du tout, mais ce livre m’a beaucoup ému. Il m’a rappelé que la campagne d’où je venais pouvait être belle si on savait la regarder. Le Bocage disparaît (avec tout ce que ça veut dire pour la biodiversité de ce milieu). Les pratiques et les traditions disparaissent, et avec elles, tout un pan de l’histoire rurale de l’Ouest.

Je trouve la démarche de Jean-Loup Trassard très importante : donner une voix à ceux qui n’en ont pas, ici un paysans âgé de Mayenne. Et de le laisser parler dans sa langue. Une langue qui a longtemps été dénigrée, qu’on considérait comme un patois, quelque chose qu’il fallait oublier. Le mayennais est très proche du gallo, langue indigène d’où je viens en Bretagne. J’espère qu’elles ne disparaîtront pas.

OÙ TROUVER LE LIVRE L’homme des haies ?

L’homme des haies a été publié en 2012 chez Gallimard. Vous le trouverez également en poche chez Folio dans toutes les bonnes librairies près de chez vous.

QUE LIRE APRÈS ?

Si vous souhaitez lire un autre livre de l’auteur, je vous conseille fortement Dormance. J’ai découvert Jean-Loup Trassard avec ce roman étrange où est imaginé le passé préhistorique de la région et j’avais adoré !

Et moi, je vais continuer de lire des livres qui se passent dans le milieu agricole, avec dans ma liste :

  • Une bête au paradis, Cécile Coulon
  • La Vache, Beat Sterchi
  • Règne animal, Jean-Baptiste Del Amo

L’homme des haies, Jean-loup Trassard est un livre qui se passe en France.

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