POURQUOI LIRE Le mur invisible ?
- Le livre : publié pour la première fois en 1985 en France, Le mur invisible a été réédité de nombreuses fois, et est devenu aujourd’hui un livre culte pour de nombreuses lectrices et lecteurs.
- Le décor : Marlen Haushofer nous emmène dans les Alpes autrichiennes. Tout le récit se passe dans la montagne, entre chalet, forêt et alpages.
- Le genre : Écrit sous la forme d’un journal, ce livre peut aussi être considéré comme un roman post-apocalyptique. Mais son écriture est très éloignée des romans de science-fiction.
- Le style : l’écriture de Marlen Haushofer est très simple, très fluide, mais aussi très poétique. Les réflexions de la narratrice et les descriptions s’enchainent dans ce roman sans pause narratives (il n’y a ni chapitres, ni blancs entre les paragraphes).
L’HISTOIRE
C’est l’histoire de la narratrice, qui n’a pas de nom. Un jour cette femme se retrouve seule dans un chalet de montagne, dans les Alpes autrichiennes. Autour d’elle, un mur invisible l’empêche de descendre dans la vallée, et empêche quiconque de la rejoindre.
C’est le journal de cette femme, prise entre les taches quotidiennes de la survie (les bêtes, les cultures, le bois) et les réflexions sur sa place de femme (de mère, d’épouse…) dans le monde d’avant, et dans ce nouveau monde où elle est seule, avec son chien et sa vache.
Si vous cherchez absolument à comprendre ce qui est arrivé (catastrophe nucléaire ? conséquences d’une guerre ?), passez votre chemin. Le propos de Marlen Haushofer ne se trouve pas dans les causes, mais dans l’adaptation au fil des jours de sa narratrice à cette nouvelle vie.
Survivre seule à une catastrophe
Le mur invisible n’est pas un récit de science-fiction. Ce qui intéresse l’auteure, ce n’est pas la catastrophe (d’ailleurs on ne saura jamais de quoi il en retourne), mais comment sa narratrice va gérer ce changement. Son isolement dans la montagne. Cette citadine, une femme entre deux âges, qui a été mariée et qui a eu deux filles, va devoir apprendre à vivre dans un chalet, à jardiner pour survivre, à traire une vache, couper le foin, chasser du gibier…
Bref c’est une nouvelle vie qui commence pour cette femme sans nom. C’est évidemment l’occasion pour elle de se remémorer le passé, de faire en quelque sorte le bilan de sa vie d’avant. Et puis, surtout dans les moments difficiles, ou quand elle regarde de l’autre côté du mur, c’est l’occasion de penser aux personnes qui n’existent plus pour elle : sa famille, ses amis, et tout le monde dans cette vallée, si proches d’elle.
Et parce qu’elle est une femme qui doit survivre seule dans la nature, encore moins préparée sans doute de par son éducation de femme, ce récit est d’autant plus intéressant. Marlen Haushofer réussit, par le biais du journal de cette femme, a nous faire nous poser des questions sur le monde dans lequel on vit et la place de chacune et chacun dans cette société.
« J’avais acquis le droit d’oublier ma condition. Parfois j’étais une enfant qui cherchait des fraises, puis un jeune homme qui sciait du bois, enfin, assise sur le banc, Perle sur mes genoux en train de contempler le soleil, je devenais quelqu’un de très âgé, sans sexe défini. »
le mur invisible, Marlen Haushofer
Écrire pour ne pas perdre la raison
Ce récit se présente sous la forme d’un journal, le journal de la narratrice. Elle saute dans le temps souvent pour nous parler de monde d’avant, elle compare tel hiver sur la montagne avec un autre. Et puis elle nous dévoile au fur et à mesure des événements du futur, du moment où elle écrit. Ça peut être un peu perturbant à la lecture.
Surtout qu’il ne se passe pas grand chose. Ou plutôt il se passe mille petits événements, importants pour la narratrice : la maladie de sa chatte, la récolte des airelles, la mort de Lynx… C’est un récit sans rythme, où la beauté des mots nous transporte dans le chalet de la narratrice, à la lueur de sa bougie.
Parce que les descriptions de la nature, des saisons, des activités quotidiennes, des changements du corps de la narratrice sont très belles. Et ses réflexions deviennent universelles. Elle s’interroge sur sa place dans la société d’avant, sur ses liens avec sa famille, sur ses nouveaux rapports avec ses animaux, les seuls êtres qui l’entourent. Personnellement, alors qu’on n’a a priori rien en commun, je me suis beaucoup identifié à ce personnage.
« Je n’écris pas pour le seul plaisir d’écrire. M’obliger à écrire me semble le seul moyen de ne pas perdre la raison. Je n’ai personne ici qui puisse réfléchir à ma place ou prendre soin de moi. Je suis seule et je dois essayer de survivre aux longs et sombres mois d’hiver. Il est peu probable que ces lignes soient un jour découvertes. Pour l’instant je ne sais pas si je le souhaite. »
Le mur invisible, Marlen Haushofer
Mon avis
Le mur invisible a été un véritable coup de cœur. Même si j’ai eu un peu de mal au tout début : il faut se faire à ce rythme. C’est un livre lent, qui se savoure. Qu’on doit lire d’une traite (il n’y a pas de chapitres, pas de trous laissés dans la narration) ou par bribes.
Mais une fois pris dans l’histoire, je ne pouvais plus le lâcher. Je pensais à la narratrice quand je ne lisais plus, je me demandais ce qui allait arriver quand l’hiver allait venir.
C’est très beau. C’est un livre plein de poésie. Ce mélange de descriptions de la montagne et de réflexions sur le lien des êtres humains avec la nature m’a fait pensé au Garçon sauvage de Paolo Cognetti que j’avais aussi beaucoup aimé.
Mais Le mur invisible est un roman, et s’en trouve donc d’autant plus émouvant. Si vous voulez vous évader le temps d’une lecture subtile, mélancolique et poétique, courrez acheter ce livre.
OÙ TROUVER Le mur invisible ?
Vous n’aurez aucun mal à trouver Le mur invisible dans toutes les bonnes librairies près de chez vous. Il est régulièrement réédité par les éditions 10/18.
QUE LIRE APRÈS ?
J’ai très envie de continuer à découvrir l’œuvre de Marlen Haushofer, à commencer peut-être par Dans la mansarde, dans lequel on retrouve une nouvelle fois une femme entre deux âges, épouse et mère de deux enfants.
Parmi les livres cultes écrits par des femmes avec une héroïne au destin perturbé, j’ai également très envie de lire :
- Mudwoman, Joyce Carol Oates
- Moi, Tituba sorcière… Maryse Condé
- Beloved, Toni Morrison
Le mur invisible, Marlen Haushofer est un livre qui se passe en Autriche.