La honte, Annie Ernaux

La Honte est l'un de mes livres préférés d'Annie Ernaux, publié en 1997. Elle revient sur les mécanismes de la honte sociale, sentiment né chez elle un jour de juin 1952. Entre souvenirs et réflexions sur son travail d'auteure, Annie Ernaux nous donne à lire un très beau témoignage sur un été qui a changé sa vie, l'été où la jeune fille qu'elle était a pris conscience du regard des autres sur son milieu et où son propre regard sur ses parents a changé.

Pourquoi lire la honte ?

  • Le livre : un ouvrage très court qui revient sur les mécanismes de la honte. Un sentiment né chez Annie Ernaux un jour de juin 1952. L’auteure parvient à nous faire entrer dans son histoire comme si c’était la nôtre et de comprendre le concept de honte sociale.
  • Le décor : une famille d’un milieu modeste à Yvetot, en Normandie dans les années 50. Ce bar-épicerie est un décor qui parlera sans conteste à beaucoup de gens qui ont grandi dans un village.
  • Le genre : sans doute l’un des meilleurs livres pour découvrir Annie Ernaux. En nous racontant sa honte, elle revient aussi sur son acte d’écriture et nous explique sa démarche.
  • Le style : Annie Ernaux l’a dit elle-même, elle a une « écriture plate ». Elle recherche les mots les plus simples pour coller au réel. Elle refuse l’artifice, n’écrit pas des romans, mais de courts récits sur sa vie et celle de ses parents.

L’histoire

La narratrice de La honte n’est autre qu’Annie Ernaux elle-même. Dans les années 90, elle revient sur l’été 1952, quand à cause d’un événement, elle a commencé à avoir honte de ses parents, de leurs métiers et de son milieu. C’est l’histoire de cet été que l’auteure nous raconte.

Comme toujours chez Annie Ernaux, c’est fait avec beaucoup de pudeur, mais beaucoup de vérité. On n’a pas peur des mots, si ce sont ceux qui raconteront au mieux l’histoire, et interpelleront les lectrices et lecteurs.

Voyez un peu cet incipit :

« Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi. »

LA HONTE, ANNIE ERnaux

annie ernaux et l’autofiction

Annie Ernaux est une des auteur·es représentatives de ce qu’on appelle l’autofiction. C’est un genre littéraire qui combine deux idées a priori contradictoires. D’un côté, comme dans les autobiographies, l’autofiction est écrite à la première personne, et le narrateur ou la narratrice n’est autre que l’écrivain·e.

Pourtant, l’autofiction brouille les codes car elle refuse la pacte autobiographique cher à Gérard Genette. Le narrateur n’est pas toujours honnête avec les lectrices et lecteurs : un livre d’autofiction peut-être estampillé roman, l’intrigue suit souvent les codes romanesques et le narrateur, même s’il intervient souvent dans le récit, prend ses distances avec la réalité.

Tous les livres ou presque d’Annie Ernaux peuvent être considérés comme des livres d’autofiction. La honte ne fait pas entorse à la règle, car l’auteure nous raconte l’histoire de sa honte. Et même si Annie Ernaux cherche à le faire « en ethnologue », elle le fait à travers un récit chronologique, où souvenirs et réflexions de l’écrivaine adulte se croisent.

« Naturellement pas de récit, qui produirait une réalité au lieu de la chercher. Ne pas me contenter non plus de lever et transcrire les images du souvenir mais traiter celles-ci comme des documents qui s’éclaireront en les soumettant à des approches différentes. Être en somme ethnologue de moi-même. »

La honte, annie ernaux

Mon avis

C’est un de mes livres préférés d’Annie Ernaux et c’est toujours un plaisir de le relire. Parce qu’à chaque lecture, on y trouve quelque chose de nouveau qui nous avait échappé la première fois.

D’ailleurs pour moi, les livres d’Annie Ernaux deviennent toujours meilleurs à la deuxième lecture. La première fois que j’ai lu Ernaux, il s’agissait de La Place, j’étais peut-être trop jeune, mais je n’avais pas aimé. Je n’avais pas été touché par son « écriture plate ». Elle explique cette expression ainsi : pour elle, l’écriture ne peut pas être romanesque, elle doit être exempte de ce qui fait la langue littéraire (les comparaisons et les figures de style), elle doit être lisse, propre, blanche, sans émotion.

Et pourtant, le style d’Annie Ernaux touche beaucoup de gens. Son écriture plate, est aussi dure et froide « comme un couteau » comme l’indique le titre d’un recueil d’entretiens avec Frédéric-Yves Jeannet. Cette écriture trop simple pour certain·es, je la trouve parfaite, pure. Elle me touche énormément, me transmet toutes les émotions brutes, sans rien enjoliver.

La honte est un livre très important pour moi, car grâce à lui (et aux écrits de Didier Eribon ou Michel Foucault), j’ai pu mettre des mots sur ce que j’avais pu ressentir : la honte sociale, l’idée de la construction de soi, le concept de transfuge de classe

la honte sur instagram

Où trouver La honte d’Annie ernaux ?

Le livre La honte fait partie des récits d’Annie Ernaux qui sont rassemblés dans l’ouvrage Écrire la vie, publié en Quarto chez Gallimard. Vous le trouverez également en poche chez Folio, dans une librairie proche de chez vous.

Que lire après ?

Si ça vous a plu, je vous conseille grandement de continuer avec Annie Ernaux ! Parmi mes livres préférés de l’auteure on trouve La Place et Une femme.

Relire Annie Ernaux, ça me donne aussi envie de lire ou de relire :

  • Retour à Reims, Didier Eribon
  • Réflexions sur la question gay, Didier Eribon
  • En finir avec Eddy Bellegueule, Édouard Louis
  • Esquisse pour une auto-analyse, Pierre Bourdieu

La honte, Annie Ernaux est un livre qui se passe en France, en Normandie.

3 Commentaires

  1. Solange 27 / 03 / 2019

    Bienvenue dans l’univers des blogs 🙂 J’ai beaucoup aimé les quelques articles que j’ai lu !

    J’avais lu « La place » au lycée et je n’avais pas aimé mais je compte relire ce livre parce que je suis sûre qu’en réalité il est très intéressant 🙂 La sociologie est une discipline qui m’intéresse beaucoup.

    C’est marrant parce que parmi les livres que tu proposes de lire ensuite, j’ai déjà lu « En finir avec Eddy Bellegueule », j’ai dans ma bibliothèque « Retour à Reims » et dans ma wishlist « Réflexions sur la question gay » !

    Continue comme ça, c’est vraiment cool 🙂
    A bientôt !

    • Florian 27 / 03 / 2019 — Le Dévorateur

      Merci ! Ahah il semblerait qu’on ait les mêmes affinités littéraires. Pour revenir à La Place, la première fois moi non plus je n’avais pas aimé. Et puis ensuite (plusieurs années plus tard) j’ai lu Une femme, La honte, L’événement et j’ai relu Une place et là j’ai enfin compris à quel point c’était important, nécessaire et beau, et ça m’a enfin touché en tant que lecteur et en tant que personne. Peut-être que lire un autre de ses livres aurait le même effet chez toi ?

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