L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk

L'homme qui savait la langue des serpents est un drôle de livre. Andrus Kivirähk se joue des codes – entre le conte, le roman d'aventures et l'histoire fantastique – pour nous faire réfléchir au monde d'aujourd'hui. En mêlant l'histoire et les légendes estoniennes, il nous offre un roman intelligent et faussement léger où pendant toute la lecture on se demandera avec Leemet à quoi sert de parler la langue des serpents quand tout le monde l'a oubliée.

POURQUOI LIRE L’homme qui savait la langue des serpents ?

  • Le livre : c’est le premier livre que je lis de l’auteur estonien Andrus Kivirähk, mais ça ne sera pas le dernier !
  • Le décor : l’Estonie au temps des conquêtes germaniques et de l’évangélisation de la population.
  • Le genre : L’homme qui savait la langue des serpents emprunte de nombreux codes aux romans fantastiques et aux contes, mais séduira aussi les habitué·es de littérature blanche.
  • Le style : c’est extrêmement fluide et très drôle ; ne soyez pas effrayé·e par l’épaisseur du livre, il se lit très vite !

L’HISTOIRE

C’est l’histoire de Leemet, « le dernier homme à parler la langue des serpents ». Leemet vit dans la forêt, comme tous les autres Estoniens. Enfin non, ils sont de plus en plus nombreux à quitter la forêt pour s’installer dans les villages, où ils triment toute la journée pour pouvoir manger du pain — nourriture abjecte selon Leemet. Et surtout où ils finissent par oublier la langue des serpents. L’homme qui savait la langue des serpents est une incroyable histoire qui vous plongera dans une Estonie médiévale revisitée, entre le conte philosophique, les sagas scandinaves et le roman d’aventure fantastique.

Un drôle de conte

Ce qui frappe en premier lieu à la lecture, c’est que L’homme qui savait la langue des serpents est drôle. Ce qui n’est pas forcément l’idée qu’on a de prime abord des romans de l’imaginaire. Le ton, léger et badin, est donné dès les premières lignes :

« Il n’y a plus personne dans la forêt. Sauf des scarabées et autres petites bestioles, bien entendu. Eux, c’est comme si rien ne leur faisait de l’effet, ils persistent à bourdonner ou à striduler comme avant. Ils volent, ils mordent, ils sucent le sang, ils me grimpent toujours aussi absurdement sur la jambe quand je me trouve sur leur chemin, ils courent dans tous les sens jusqu’à ce que je les fasse tomber par terre ou que je les écrase. Leur monde est toujours le même — mais même cela, il n’y en a plus pour longtemps. Leur heure viendra ! »

L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk

Cet incipit est important par ce qui nous est dévoilé (on ne comprend ce point que bien plus tard dans le récit), mais aussi parce qu’il nous entraîne qu’on le veuille ou non dans cette histoire abracadabrantesque. Le narrateur, Leemet, revient sur sa vie en nous la racontant sur le ton de l’humour. Et il ne fallait pas moins que ça pour nous faire avaler toute cette histoire.

Entre passé fantasmé et modernité

Mais l’humour, c’est aussi le trait privilégié des auteurs de contes philosophiques. Dans la lignée de Voltaire, avec les mêmes procédés ironiques (la farce, les péripéties farfelues des romans d’aventures), Andrus Kivirähk cherche à nous faire réfléchir. Qu’est-ce que le progrès ? Est-il bon ? Est-il bon pour certains et non pour d’autres (comme le semble être le pain des villageois ?). Qui a raison et qui a tort ? Ceux qui s’accrochent à leurs idées du passé ou ceux qui décident de vivre dans la modernité ? Quel est le message de l’auteur ? De qui se moque-t-il ?

Les réponses ne sont pas forcément celles auxquelles vous vous attendez. Ou peut-être que vous changerez d’avis plusieurs fois pendant la lecture. Parce que L’homme qui savait la langue des serpents est plus intelligent et pas aussi manichéen que le ton badin laissait à le présager au départ. Et même si vous passez à côté du message (parce qu’il faut dire que sans connaître l’histoire de l’Estonie, on n’a pas tous les codes), la postface est là pour vous éclairer.

« C’est étrange que la langue des serpents soit tombée dans l’oubli, mais que la croyance en des génies demeure. La sottise est plus forte que la sagesse. La bêtise est coriace comme une racine ancrée dans ce sol que les hommes foulaient jadis. La forêt foisonne, il naît de plus en plus de gens au village ; et moi, je suis le dernier homme à savoir la langue des serpents. »

L’HOMME QUI savait LA LANGUE DES SERPENTS, ANDRUS KIVIRÄHK

CE QUE J’EN AI PENSÉ

Ça faisait longtemps que je voulais lire ce livre : j’en avais entendu tellement de bien. Et je comprends pourquoi ! C’est une vraie pépite ce roman ! C’est drôle et intelligent. C’est beau et entraînant. Les personnages sont tous attachants, l’histoire est déjantée, le style impeccable. Bref, c’est déjà devenu un classique de la littérature estonienne et c’est un des livres que je recommanderai à tout le monde. Même et surtout aux personnes qui ne sont pas habituées ou qui n’aiment pas les littératures de l’imaginaire. Je sens que L’homme qui savait la langue des serpents pourrait les réconcilier.

OÙ TROUVER L’homme qui parlait la langue des serpents ?

L’homme qui savait la langue des serpents a été publié en français chez Le Tripode. Il existe maintenant en version de poche. Vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies. La traduction française et la postface sont signées Jean-Pierre Minaudier.

QUE LIRE APRÈS ?

Je compte bien continuer à découvrir Andrus Kivirähk ! Mon prochain sera sans doute Les groseilles de novembre, parce qu’encore une fois, le titre me plaît.

En attendant, L’homme qui savait la langue des serpents, en mélangeant Histoire, contes et légendes fantastiques, m’a fait pensé à :

L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk est un livre qui se passe en Estonie.

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