POURQUOI LIRE Elmet ?
- Le livre : c’est le premier roman de la jeune autrice anglaise Fiona Mozley, qui est arrivé en finale du Man Booker Prize 2017.
- Le décor : la campagne du Yorkshire, ou plutôt de l’ancien royaume celte Elmet.
- Le genre : c’est un livre difficile à classer, un livre dur, entre roman social et nature writing.
- Le style : même si l’histoire est violente, l’écriture de Fiona Mozley est elle très belle et très fluide.
L’HISTOIRE
L’histoire d’Elmet est racontée par Daniel, un jeune homme qui vit avec sa sœur Cathy et leur père, John. Celui-ci gagne son pain en se battant dans des combats illégaux, desquels il sort toujours gagnant. Après la mort de la grand-mère Morley, ils partiront sur les terres qui ont appartenu un jour à la mère de Daniel et Cathy. Là-bas, ils vont vivre heureux, dans la maison que va construire John.
Mais le bonheur ne dure qu’un temps et les ennuis pointeront vite le bout de leur nez en la personne de Mr Price, pour qui John avait travaillé par le passé. Entre nature sauvage et grève des loyers, cours particuliers et combats à mains nues, et alors que la violence prend de plus en plus de place dans le roman, Daniel, Cathy et leur père arriveront-ils à se débarrasser de Mr Price ?
La nature et le silence
Ce qui m’a d’abord marqué dans ce roman, c’est l’atmosphère. La place accordée aux détails, aux objets, aux sensations, aux couleurs, aux odeurs. On voit le monde à travers les yeux de Daniel, et grâce à la plume de Fiona Mozley, c’est comme si on était avec lui.
Qu’il raconte la nature ou la ville, qu’il décrive l’odeur du diesel ou de la terre humide, Daniel est très méticuleux, parce qu’il est attentif. Privé de contact avec les gens, vivant presque exclusivement avec sa soeur et son père (auxquels on peut ajouter sa grand-mère au début du roman et Vivien ensuite), Daniel passe énormément de temps à observer le monde qui l’entoure et les gens qui l’habitent.
Le monde naturel au-dehors est bruyant – la forêt, les animaux, le vent – mais les gens sont très silencieux. Son père est taciturne, et Cathy ressemble de plus en plus à son père. Daniel fréquente aussi Vivien, mais elle aussi est secrète et distante.
Dans le roman, il y a une très forte dichotomie entre le vocabulaire du calme, du silence, de la contemplation et le lexique de la violence, de la lutte (anticapitaliste) et du sang.
Il y a le calme des maisons, que ce soit chez Daniel, Cathy et John où Daniel passe son temps à faire à manger et aux activités ménagères, ou chez Vivien où Daniel passe le plus clair de son temps à lire et à étudier, et la violence du dehors où on est vulnérable, où on peut se faire renverser par une voiture ou agresser par des hommes.
« Parfois, on avait l’impression que nos questions embarrassaient papa. Il cherchait à être ouvert, à partager son savoir avec ses enfants, à leur donner des détails sur sa vie avant leur existence, et sa vie actuelle, mais on savait que si des détails étaient trop délicats, il les gardait pour lui. À l’époque, il ne cherchait qu’une chose : nous endurcir contre l’inconnu. Contre les choses sombres du monde. Car plus on en savait, plus on serait armés. Et pourtant, le monde était totalement absent de nos vies. »
Elmet, Fiona Mozley
La lutte et la violence
Fiona Mozley a réussi à très bien balancer la beauté des paysages et des descriptions avec la violence qui va crescendo tout au long du roman.
La violence est tout d’abord présente en la personne de John, le père de Daniel et Cathy, qui se bat dans des combats où beaucoup d’argent est en jeu. Mais il n’y a pas que John qui est violent, d’autres hommes le sont aussi, différemment. Des garçons sont violents dans un tout autre cadre : ils s’en prennent à Daniel et Cathy, parce qu’ils sont différents des autres enfants. À la violence des combats répond les violences sexistes et sexuelles : les agressions, les coups et les injures.
À toute cette violence rampante répond également la beauté des sentiments. La générosité de certaines personnes. Mais surtout l’esprit de communauté qui se ravive entre les habitant·es de ce village le temps d’une lutte pour des meilleurs salaires et un gel des loyers. Et Fiona Mozley, à travers le récit de Daniel, nous dépeint des personnes écrasées sous le joug de ceux qui ont de l’argent, mais qui se serrent les coudes pour tenter de faire changer les choses, reprendre le pouvoir et vivre une vie plus digne.
Malgré toute la violence du roman, ce qui le traverse finalement du début à la fin, c’est l’idée de l’espoir. On ressort de cette lecture en se disant que rien n’est jamais perdu.
« Je sais assez bien lire pour comprendre les mots. Ce que je comprends pas, c’est qu’il y ait un bout de papier pour dire qu’une terre qui vit et qui respire, qui évolue, qui se mouille et qui sèche, appartient à quelqu’un et que cette personne peut en faire ce qu’elle veut, ou rien en faire, et aussi empêcher les autres de s’en occuper. Tout ça à cause d’un bout de papier. »
Elmet, Fiona Mozley
CE QUE J’EN AI PENSÉ
J’ai beaucoup aimé ce livre ! J’ai l’impression qu’il n’a pas fait beaucoup de bruit à sa sortie en France et c’est bien dommage parce que je pense qu’il pourrait plaire à beaucoup ! On s’attache très vite aux personnages, on doute et on reprend espoir avec eux, on s’identifie à Daniel et Cathy.
Et surtout on est emporté par cette plume, qui enchante dès les premières pages. J’ai lu Elmet très rapidement, presque d’une traite, parce qu’il est très intelligemment construit, avec un savant dosage de beauté et de violence, de doutes et d’espoir, qui nous donne toujours envie de lire le prochain chapitre.
OÙ TROUVER LE LIVRE Elmet ?
Le livre Elmet a été publié en France chez Joelle Losfeld Éditions. La traduction française est de Laetitia Devaux. Vous le trouverez sans doute dans toutes les bonnes librairies.
QUE LIRE APRÈS ?
Parce que ce roman interroge ensemble les violences capitalistes et les violences sexuelles, qu’il met en scène la lutte des classes, il m’a fait penser à Querelle de Kevin Lambert, même si les deux livres sont très différents.
Et je me suis dit en refermant ce livre que j’aimerai lire davantage de littérature anglaise contemporaine. J’ai déjà noté ces titres :
- Le cœur de l’Angleterre, Jonathan Coe
- La piscine-bibliothèque, Alan Hollinghurst
- Le géant enfoui, Kazuo Ishiguro
Elmet, Fiona Mozley est un livre qui se passe en Angleterre.
Autist Reading 17 / 02 / 2020
A première vue, sans avoir lu Elmet, ce n’est pas un roman que j’aurais rapproché de l’excellent Querelle. Du coup, tu m’intrigues encore plus.
Des trios romans britanniques que tu te proposes de lire, je te recommanderais plus particulièrement La piscine-bibliothèque, qui m’avait beaucoup marqué quand je l’ai lu à sa sortie. J’ai vu qu’une nouvelle traduction est disponible, ce qui est encore mieux.
Florian 17 / 02 / 2020 — Le Dévorateur
Ils sont très très différents, c’est un autre style, une autre ambiance. Mais – c’est peut-être parce que finalement peu de livres sortent qui parlent syndicalisme et luttes des classes – lire Elmet m’a rappelé Querelle.
J’ai déjà lu La ligne de beauté d’Hollinghurst qui m’avait beaucoup plu alors je ne me fais pas trop de souci pour La piscine-bibliothèque dont on m’a dit qu’il était encore mieux !
Marion Doucet 06 / 03 / 2020
Ce livre a l’air bien.
Florian 07 / 03 / 2020 — Le Dévorateur
Il est superbe ! Et j’avoue ne pas comprendre pourquoi on n’en entend pas plus parler !