POURQUOI LIRE La cloche de détresse ?
- Le livre : c’est le seul roman de la poétesse américaine Sylvia Plath, publié sous pseudonyme, un mois avant le suicide de l’autrice
- Le décor : on se déplace de New York à Boston, on rêve de Chicago, mais on n’est à sa place nulle part
- Le genre : sur les différentes quatrièmes de couverture on peut lire que ce roman est autobiographique, et de fait, la vie d’Esther ressemble à la vie de Sylvia Plath
- Le style : en anglais en tout cas, la plume est merveilleuse, drôle, poétique et fluide, on s’enfonce très facilement avec la narratrice dans la torpeur
L’HISTOIRE
Esther est une jeune étudiante brillante qui a obtenu une bourse pour faire un stage dans un magazine de mode à New York. Avec son amie Doreen, elle se moque des autres jeunes femmes, des réceptions et des galas. Rapidement, ce sarcasme va faire la place à un mal être profond. Esther n’arrive pas à trouver sa place dans ce monde où les femmes ont trop peu de choix. Toutes autour d’elles vivent pour des hommes, n’ont pas de rêves à elles. Mais les expériences d’Esther en la matière ne se passent pas comme prévu et les accidents s’enchaînent : agression, maladie, dépression, internement. Esther sombre.
L’ironie qui cache le mal-être
Raconté comme ça, l’argument initial n’est pas des plus folichons. Et pourtant, ce qu’il faut savoir, c’est que la plume de Sylvia Plath est mordante. Au début du roman surtout, c’est drôle. J’ai ri plusieurs fois. Les remarques pertinentes de la narratrice font mouche. Il y a un humour – très sombre il est vrai – qui parcourt tout le roman. Esther sombre petit à petit, mais elle ne perd jamais le sens de l’humour. Même quand elle est au plus bas, elle parvient parfois à nous faire rire en se moquant des gens autour d’elle.
De ce point de vue, le roman de Sylvia Plath est très intelligemment construit. On rit d’abord avec Esther ; ce qui a pour effet de nous entraîner plus facilement et plus insidieusement dans la dépression qui la submerge. Et puis au fil de la lecture, on se rend compte que des éléments qu’on ne pensait être que des petites allusions faites en passant, sur un ton léger et badin se révèlent cruciales pour la suite de l’histoire. Comme cet incipit, qui nous place très précisément dans le lieu et le temps du roman, mais qui prend également un sens bien différent plus loin dans le récit :
« C’était un été étrange et étouffant. L’été où ils ont électrocuté les Rosenberg. je ne savais pas ce que je venais faire à New York. Je deviens idiote quand il y a des exécutions. L’idée de l’électrocution me rend malade, et les journaux ne parlaient que de ça. La une en caractères gros comme des boules de loto me sautait aux yeux à chaque carrefour, à chaque bouche de métro fleurant le renfermé et les cacahuètes. Cela ne me concernait pas du tout, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander quel effet cela fait de brûler vivant tout le long de ses nerfs. »
La cloche de détresse, Sylvia Plath
La cloche de verre
Il y a tant à dire sur le choix du titre original. La cloche de verre, c’est ce bocal utilisé dans les laboratoires pour faire des expériences. Et Esther va être l’objet d’expériences pour le moins traumatisantes — pour elle comme pour les personnes qui les lisent. Et on peut d’ailleurs lire ce roman comme une critique de la façon dont les maladies mentales étaient traitées dans les années 1950.
Mais la cloche de verre, c’est aussi ce qu’on utilise par exemple pour mettre sous vide des pâtisseries ou des bonbons : des choses qui sont belles et qui donnent envie. J’y vois ici un clin d’œil à certains rôles dans lesquels sont enfermées certaines femmes, car Sylvia Plath ne cesse, par l’intermédiaire d’Esther, de critiquer les maigres choix qui s’offrent à elles.
La cloche de verre, c’est enfin surtout une métaphore pour exprimer cette sensation d’étouffement. La narratrice a souvent le sentiment d’être enfermée, d’être sous vide, d’être prisonnière d’un mur invisible qui l’oppresse et qui l’empêche d’avancer. Aucune solution ne s’offre à elle, aucune issue. C’est sans doute la métaphore la plus réussie de la dépression que j’ai pu lire.
« Un mauvais rêve.
Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n’est qu’un mauvais rêve. »
LA CLOCHE DE DÉTRESSE, SYLVIA PLATH
CE QUE J’EN AI PENSÉ
J’avais un peu peur de ce livre. Je pensais qu’il serait très difficile à lire, très sombre, qu’il me rendrait triste. Et ce serait mentir que de dire que La cloche de détresse est une lecture légère. Mais c’est pourtant très drôle ! Malgré les événements dépeints, je continuai à sourire pendant ma lecture. Plus Esther sombre d’ailleurs, et plus on est englué dans cette lecture dérangeante — entraînante, nous laissant parfois coupable de l’apprécier autant.
Je n’ai pas pu lâcher ce livre. Et une fois terminé, je ne peux pas l’oublier. Il continue à me faire réfléchir. J’ai l’impression que la narratrice est toujours là, quelque part. Et je sais que je relirai La cloche de détresse un jour, parce que c’est un véritable chef-d’œuvre à mon avis. Un classique qui mérite bien ce titre.
OÙ TROUVER La cloche de détresse ?
Je l’ai lu en anglais, mais vous trouverez le roman de Sylvia Plath en français dans la collection L’imaginaire de Gallimard. La traduction est de Michel Persitz. Commandez-le dans une librairie près de chez vous.
QUE LIRE APRÈS ?
J’ai goûté à Sylvia Plath et j’en veux encore. Je compte bien lire certains de ses poèmes ensuite, à commencer par le recueil Ariel.
Cette lecture, et surtout l’ironie mordante de la narratrice, m’a fait pensé aux livres :
- Toute passion abolie, Vita Sackville-West
- Le tueur aveugle, Margaret Atwood
- Dans la mansarde, Marlen Haushofer
La cloche de détresse, Sylvia Plath est un livre qui se passe aux États-Unis.
Autist Reading 17 / 08 / 2020
Je n’ai pas eu de chance lors de ma première rencontre avec S. Plath ; j’ai trouvé « Mary Ventura et le neuvième royaume » (récemment publié dans la collection La nonpareille, à La Table ronde) très conventionnel et pas aussi remarquable qu’on me l’avait « vendu ».
J’aurai peut-être plus de chance avec ce texte…
Florian 18 / 08 / 2020 — Le Dévorateur
Oh dommage je comptais bien le lire ! Peut-être que c’est aussi dû au fait qu’elle était si jeune quand elle l’a écrit ? Ou c’est peut-être aussi la traduction ? Ça change parfois toute l’impression d’un livre avec certains récits américains je trouve.
Autist Reading 18 / 08 / 2020
Je crois surtout que je m’attendais à de l’extra-ordinaire et que j’ai trouvé un texte, certes bien ficelé et intelligemment troussé, mais assez banal dans l’ensemble….
Mais ne te retiens pas de le lire si tu en avais envie. Il est fort probable que je sois simplement passé à côté.