POURQUOI LIRE Le corps des anges ?
- Le livre : Le corps des anges et le sixième livre de Mathieu Riboulet, mais le premier que je lis (ça ne sera pas le dernier).
- Le décor : la campagne limousine, qui reste belle, où la vie continue pour les gens qu’il reste.
- Le genre : c’est un très court roman, qui joue avec les codes de nombreux genres littéraires, sans s’enfermer dans aucun.
- Le style : l’écriture de Mathieu Riboulet est précise et concise, légère et riche, surprenante et touchante.
L’HISTOIRE
Le corps des anges est divisé en trois parties. Dans la première, on suit Rémi, un jeune homme taciturne, qui a grandi dans une ferme limousine. Dans la seconde, c’est Gabriel, un jeune Parisien qui vient de perdre ses parents, qui devient le personnage principal. Dans la dernière partie, ils se rencontrent et trouvent enfin dans l’autre la force dont ils avaient besoin pour se libérer.
Trouver la liberté
Rémi et Gabriel sont tous les deux en quête d’émancipation. Le premier, vis à vis de sa famille, de son milieu, de son corps qu’il cherche depuis son enfance à abîmer. Rémi rêve de pouvoir partir loin comme le font les oiseaux des haies, mais ses jambes lourdes le rattachent à la terre. Même la mobylette, qui lui procure la vitesse, le maintient au sol où il retombe toujours la tête la première, ne peut lui offrir la liberté dont il a besoin.
« Flâner le long des haies, cherchant l’entrée des étourneaux, aura longtemps été son lot. Il s’abîmait en d’abruptes contemplations le long des chemins : voler, se nicher, bruire de l’aile comme les feuilles bruissent du vent, s’immobiliser au cœur d’un mouvement vital, comme ces oiseaux dont il observait à l’infini le vol affairé dans les haies, sport méconnu et délicat. Vider sa tête, s’affranchir un instant de l’attraction terrestre, dont il ignorait même qu’on lui eut parlé, un jour de communale, parce qu’aucune de ces leçons n’avait jamais franchi les herses de son entendement. »
Le corps des anges, Mathieu Riboulet
Gabriel, qui apparaît pour la première fois à Rémi comme un ange, cherche lui à se libérer de la douleur qu’il ressent depuis la mort de ses parents, dans un accident de voiture. Il doit se défaire de leurs fantômes, prisonniers de son corps. Il erre sur les routes à moitié nu, il se perd dans les lits des inconnus. Jusqu’à ce qu’il arrive à Saint-Silvain, où il ne passe pas inaperçu.
« Gabriel n’avait peur de rien, les grandes terreurs étaient derrière lui. Tout, chez lui, découlait de ce principe premier. Il s’avança parmi nous, dans le village, les prairies, les bois, les chemins et le temps avec l’allant, le naturel et la beauté, ses seules armes, dont il ignorait même qu’elles fussent à ce point tranchantes. Il ne réclama jamais ni dû, ni reste, et rien ni personne ne lui résista. »
Le corps des anges, Mathieu Riboulet
Dans la douleur et la beauté
La douleur est omniprésente dans Le corps des anges. Mais la beauté aussi. La campagne limousine est rude, mais calme, immuable. C’est ce dont Gabriel a besoin. C’est à la campagne que ce Parisien fuit pour mieux se retrouver. Dans ce monde façonné par les humains, que les humains ont déserté. Où règnent le silence, les secrets, les peurs, le poids de la mémoire et où l’on n’attend qu’une seule chose : que le destin fasse son travail.
Gabriel et Rémi se font du mal, mais cherchent dans l’autre la beauté qui les libérera. Cette beauté qui les attire l’un à l’autre. Cette beauté qui se cache dans le tatouage du dos de Gabriel, dans les haies, dans le vol des étourneaux, dans les visages angéliques. Ce petit village de la Creuse, Saint-Silvain, cet écrin de beauté pure et cachée, sert de décor à la tragédie qui s’annonce.
« Saint-Silvain, au cœur du sud-est creusois, comptait huit cents âmes aux jeunes années d’Albert, cinq cents aux premiers pas de Jean, à peine trois cents à la naissance de Rémi. Nous y sommes aujourd’hui une petite centaine, pétris des silences de l’hiver, amoureux du mauve des bouleaux nus, grisés par l’air coupant du soir, fils et petits-fils des rivières brunes, des empilements de granit, des douceurs bleutées des matins d’été, avatars mutants immobilisés à jamais quelque part à la lisière du mouvement centrifuge qui entraîne le monde à sa perte sans nous consulter plus avant. »
Le corps des anges, Mathieu Riboulet
CE QUE J’EN AI PENSÉ
J’ai adoré Le corps des anges. La structure n’a rien de révolutionnaire, mais les personnages font tout le livre. Et surtout, c’est le rythme qui m’a entraîné. Tout est surprenant dans ce court roman. L’apparente légèreté, mêlée à l’âpreté. La poésie côtoyant la vulgarité. Les deux premières parties, comme deux vies au ralenti, le calme avant la tempête. Comme deux étourneaux effarouchés qui attendent qu’on ouvre la fenêtre pour les laisser partir. Et une dernière partie qui vous prend au dépourvu / sans pincettes / aux tripes. C’est fort. C’est beau.
OÙ TROUVER Le corps des anges ?
Le corps des anges a été publié chez Gallimard en 2005, mais vient d’être republié en février 2020 chez Folio. Vous le trouverez donc sans doute en poche dans toutes les bonnes librairies.
QUE LIRE APRÈS ?
Je veux maintenant découvrir tous les livres de Mathieu Riboulet ! Et je compte bien continuer avec L’amant des morts, titre que je trouve magnifique.
Et ce récit au décor rural m’a rappelé que j’avais très envie de lire :
- Règne animal, Jean-Baptiste Del Amo
- Le bel été, Cesare Pavese
- Une vie entière, Robert Seethaler
Le corps des anges, Mathieu Riboulet est un livre qui se passe en France.
Autist Reading 17 / 07 / 2020
Voilà un des romans de Riboulet qu’il me reste à découvrir.
J’aime cet auteur exigeant, j’aime son style, j’aime qu’il me fasse sentir moins bête quand je le lis…
Si jamais tu hésitais à sélectionner un de ses romans pour continuer, je te recommande chaudement son dernier roman Les Portes de Thèbes que j’ai trouvé particulièrement bouleversant.
Florian 18 / 07 / 2020 — Le Dévorateur
Merci, je le note !